Facebokk Instagram Téléphone
Logo Aman Nature
©negativespace

UFC QUE CHOISIR - LETTRE OUVERTE

Dans son magazine numéro 184 de juillet-août 2023, UFC Que Choisir a opté pour un encart au titre un peu racoleur : « entourloupe en forêt ».Réponse d’une praticienne en sylvothérapie en colère.

À l’attention d’UFC QUE CHOISIR,
 
 J’ai hésité à rédiger cette lettre, ne souhaitant pas vous accorder plus d’attention que vous n’en méritez à mon sens, mais j’ai finalement décidé de le faire car comme dit l’adage « qui ne dit mot consent ».

« Les récupérations commerciales se multiplient ».

Cette première phrase annonce la couleur de cet encart, et me rappelle vaguement certains travaux de Lacan et de Schopenhauer sur l’effet miroir.  Les récupérations commerciales liées à la pratique de la sylvothérapie sont donc visiblement un problème pour vous, mais le fait de s’emparer de ce sujet à la mode à des fins commerciales (car soyons clair, ce magazine n’est pas commercialisé pour la gloire, sinon il serait gratuit) n’en est pas un…
 Notez l’ironie de la situation.

« Voilà que certains ont inventé la « sylvothérapie » […] où l’on s’applique notamment à enlacer des arbres».

Vous semblez avoir fait des recherches sur le sujet, mais vous êtes malheureusement passé à côté de pas mal de choses...
 Tout d’abord, on parle de sylvothérapie depuis bien plus longtemps que vous ne le laissez supposer. Georges Plaisance était un docteur ingénieur en écologie, auteur de nombreux ouvrages, dont, en 1985 le fameux « forêt et santé – guide pratique de sylvothérapie ». Ce livre est une synthèse des nombreuses mesures et observations qu’il a rassemblé, et qui proviennent d’horizons très différents : forestiers, écologistes, médecins, psychologues (français, allemands, américains, anglais, italiens, russes…).

Et surprise, il n’est absolument pas fait mention, dans cet ouvrage de référence sur le sujet, de ce fameux « câlin aux arbres » que vous, comme je vous l’accorde de nombreux autres médias, avez décidé d’utiliser pour décrire la sylvothérapie.

Vous êtes, malheureusement, passé complètement à côté de ce qu’est réellement cette pratique, et de ce qu’elle peut apporter aux gens, alors qu’à lui seul, ce sujet aurait pu remplir vos 4 pages d’« enquête ».

« comme un peu de précision technique impressionne toujours, ils conseilleront de préférence des gestes bien spécifiques».

Tout d’abord je serai assez curieuse de connaître vos sources, de savoir combien de bains de forêt/sorties de sylvothérapie (puisqu’il s’agit de la même chose) vous avez vous-même expérimenté pour vous montrer aussi péremptoire. Ou bien vous êtes-vous contenté de surfer sur cette émission que vous avez regardé à la télévision, et où comme souvent on ne montre que des images triées sur le volet pour faire du « sensationnel » sans s’inquiéter de leur correspondance à la réalité des choses.

Alors que vous relatez les propos d’un chercheur « le stress est l’ennemi de la cognition » vous ne semblez pas en saisir le sens...
 La majorité des personnes qui participent à des sorties/ateliers/séjours de sylvothérapie sont des personnes qui ont envie ou besoin de se détendre, de faire baisser leur niveau de stress, de supprimer les ruminations et soucis du quotidien, etc. Ces « gestes » comme vous les appelez, peuvent en fait varier d’un praticien à un autre (selon ses affinités, la personne auprès de qui il s’est formé, la façon dont il s’est approprié son enseignement, etc.) et ne sont pas là pour « impressionner » comme vous le dites. Ils ont au contraire un rôle important. Celui d’apporter un cadre, une méthodologie, à des personnes qui en ont souvent besoin, à cause de leur état émotionnel, de stress ou de fatigue.
 De plus, ces « gestes » étant facilement mémorisables corporellement, les participants pourront s’en souvenir et les réutiliser pour bénéficier des bienfaits du bain de forêt en autonomie.

« embrassez qui et ce que vous voudrez, mais sans en attendre de miracle »

Je trouve cette phrase d’une violence et d’un dénigrement incroyable.
 De nombreuses personnes pratiquent et/ou ont pratiqué des bains de forêt ou de la sylvothérapie avec des praticiens. Comme on ne leur met de couteau sous la gorge, j’imagine que c’est parce qu’elles y trouvent ce qu’elles cherchent, parce que ces sorties leur font du bien.
 Avec cette simple phrase, vous leur dites que ce mieux-être qu’elles ressentent, que les changement qui s’opèrent dans leur vie n’existent pas, n’ont pas de valeur.

Avec cette simple phrase, vous balayez les croyances de nombreuses personnes, alors qu’il est admis dans le reste de votre article que cela est à prendre en compte dans le bien-être ressentis (remarque sur la prise en compte de l’aspect culturel au Japon).
 Cela démontre un manque de respect profond de ces personnes (parmi lesquelles sans doute certains de vos lecteurs), ainsi qu’un égocentrisme démesuré puisque vous estimez que votre avis est synonyme de vérité absolue.

« et surtout sans payer »

Cette phrase qui clôture votre encart est celle qui me laisse le plus perplexe…
 Quand on est praticien en sylvothérapie, guide de bain de forêt (ou quelque soit le nom que vous donnerez à cette pratique afin que cela vous soit confortable), on est avant tout un accompagnant.
 Les personnes que nous accueillons viennent nous voir car elles ont un besoin, et que leur parcours de vie, leur temps libre, leur état de stress ou émotionnel, etc. ne leur permet pas de pouvoir y répondre seule. Elles viennent chercher un soutien, une oreille, des clés pour devenir autonome. Nous de sommes pas des bénévoles, c’est un métier, et tout métier nécessite un salaire.
 De plus les personnes que nous accueillons doivent s’investir dans cette sortie pour en retirer les bienfaits maximum. Payer leur séance participe à cet investissement et leur permet d’accorder une valeur concrète à leur bien-être et à leur évolution personnelle.
 Tenez-vous les mêmes propos sur les restaurateurs ou coachs sportifs par exemple? Parce que pourquoi payer pour aller manger dans un restaurant alors que l’on peut manger sa propre cuisine chez soi ? Ou payer pour faire du sport avec quelqu’un alors que l’on peut très bien aller courir seul ?
 On pourrait aussi se poser la question « N’est-ce pas une entourloupe de payer un magazine sur lequel il est indiqué « expert » pour lire quelque chose d’aussi peu complet et d’aussi éloigné de la vérité ? » alors qu’en faisant ses propres recherches et en rencontrant réellement différents praticiens on obtiendrait de bien meilleures informations ? et de plus complètes ?

Alors ? « entourloupes en forêt » ? ou bien dans ces pages ?

Personnellement, j’ai tranché.
 Mais je ne ferai pas comme vous avec cet encart.

Je ne ferai pas de mon avis personnel une vérité absolue.

Je laisserai à chaque lecteur le droit de se faire sa propre opinion.


PS : vous aurez sans doute noté que je parle de « vos » propos, alors qu’il s’agit dans les fait de ceux de votre journaliste, mais j’estime que publier des propos dans son magazine signifie qu’on les cautionne.