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©Gannamartysheva

Parler et vivre le deuil animal

En relançant plus activement ce blog, je me suis dit que je vous parlerai aussi un peu de mes idées, de mes points de vue, etc. histoire que vous puissiez mieux me connaître. Je n’avais pas encore choisi par quel sujet commencer. La vie, ou plutôt la mort, s’est chargé de cela pour moi...

Cet article n’a pas vocation à expliquer « comment parler et vivre le deuil », il y a des personnes qualifiées qui feront ça beaucoup mieux que moi.
Il a une portée plus égoïste que les autres...si habituellement je me sers de ces articles pour vous donner des informations sur différents sujets, je crois que celui-ci, j’ai besoin de l’écrire pour moi, pour libérer des choses.
S’il trouve écho auprès de certains d’entre vous, tant mieux.
Si ce n’est pas le cas, et bien tant pis.

Colère de se sentir obligée de préciser « animal ».

En écrivant ces lignes je suis pleine d’une colère sourde, envers les autres, mais également envers moi-même.

« animal ».
Ce qualificatif sonne presque comme une excuse, comme une façon de minimiser les choses…
Je m’en veux de le préciser à chaque fois (ou presque), mais je crois que je me sens obligée de le faire parce que c’est une façon de me protéger, moi.

Pas de cette épreuve.

Mais de certaines personnes qui se sentiraient spoliées ou trompées en apprenant qu’en fait ce n’est « que » mon chien. Et je ne pense pas que ce soit uniquement « ma croyance ». Il suffit que j’observe les gens autour de moi pour m’en rendre compte...

- On peut se faire une réunion de travail dans 2 jours ?
- Écoute...je ne sais pas trop, c’est un peu compliqué pour moi en ce moment, je viens de perdre un être cher.
- Oh. Je comprends. Désolé...un membre de ta famille ?
- Non. Mon chien.
- Ah…Bon….Bah...du coup dans 2 jours ça devrait aller mieux, ça devrait être possible...

Souffrance de se sentir « incomplète ».

Oui, ce n’est pas parce qu’il ne s’agit « que » d’un animal qu’on ne peut pas parler de « souffrance ». Au-delà de l’être que l’on perd et que l’on pleure, c’est surtout la perte du lien avec celui-ci qui fait souffrir.
Chaque personne a un lien différent avec son animal de compagnie, son familier.
Je n’ai jamais fait d’anthropomorphisme. Ce n’était pas mon « bébé », mais mon « bébé chien ». Ni mon «compagnon», mais mon « compagnon à 4 pattes ». Pour autant, il était le centre de ma vie, et j’organisais mes journées et mes activités professionnelles en fonction du temps que nous passions ensemble. Et en l’espace de quelques heures, j’ai perdu ce point de repère, ce phare dans ma nuit.
Salem est entré dans ma vie très rapidement après que je sois arrivée à Quimperlé, dans cette ville et cette région où je ne connaissais personne. Je n’ai presque aucun souvenir de m’être promenée seule ici. Et d’ailleurs les gens ne nous connaissent que tous les deux, ensemble, comme un duo inséparable, l’un n’existant pas sans l’autre.
Les dix premiers jours, sortir en ville seule m’était impossible, la crise d’angoisse pointant le bout de son nez dès les premiers pas...et parce que je devais ruser dans le choix de mes itinéraires pour ne croiser personne, pour ne pas avoir à répondre à cette question qui revient régulièrement « bah ! Il est où Salem ? ».
Il m’a fallu plus de 2 semaines pour pouvoir retourner en forêt, lieu de nos promenades quotidiennes...et heureusement que j’ai eu du soutien dans cette épreuve, car cela en a vraiment été une.

Nous passions entre 3 et 4h par jour en balade ensemble...Comment ne pas se noyer dans ces heures maintenant remplies de vide ? Avec cette sensation que si je les remplies avec des activités pour moi seule, même si elles me font du bien et apaise un peu ma peine, ce serait comme une trahison.

Difficulté de rester dans le mouvement de la vie.

Entendons nous bien. Je ne vous dit pas qu’il m’est difficile de rester vivante.
J’ai entendu plusieurs histoires de personnes qui se sont suicidées ou qui se sont laissées mourir à la mort de leur animal. Je ne les avais jamais jugées, mais je peux maintenant les comprendre, même si personnellement, je sens bien que malgré la tristesse et la douleur j’ai fais depuis le début le choix de la vie. Je me suis rendue compte que cette tristesse et cette douleur, c’est peut-être aussi une façon de célébrer la force du lien qu’il y avait entre nous…Et je m’accroche à ça pour les accueillir avec le plus de sérénité possible.
Mais cela reste difficile.
Difficile de reprendre le travail.

Difficile de marcher en ville, d’aller en forêt, de sortir, car en rentrant je ne suis plus accueilli que par le vide et le silence.
Difficile de trouver de l’énergie, ne serait-ce que celle nécessaire pour ne pas rester couchée toute la journée, pas à cause de la déprime, mais parce que physiquement, je suis complètement vidée.
Difficile de voir les gens continuer leur vie autour de moi, comme si de rien n’était, comme s’il ne s’était rien passé.

Difficile de donner le change face à des personnes qui ne comprennent pas cette détresse, ou face à ceux qui, peut-être pensant bien faire, font comme si cette mort et ce deuil n’existaient pas.
Difficile.


Je me suis demandé comment terminer cet article.
Peut-être qu’il n’y a pas de façon « logique » de le terminer, puisque je n’ai pas eu de façon « logique » de le commencer...Parce qu’au final, cet article aura surtout été une façon pour moi d’évacuer ce que j’avais sur le cœur, en déposant tout cela sans trop y réfléchir, peut-être d’une façon un peu trop « impudique ». Si c’est le cas : tant pis. Pour une fois, je décide de passer avant les autres et de faire ce qui me fait du bien.
Peut-être aussi qu’il n’y a pas de moyen « logique » de le finir, par ce qu’il parle d’un processus de deuil qui ne fait que commencer…


Hier je suis allée chercher les cendres de Salem.
J’ai enfin pu lui dire « ça y est Petit Coeur. Je t’ai ramené à la maison ».